Depuis la fin de l’année 2019, et comme nous l’évoquions notamment auprès de nos partenaires réguliers, il se pourrait bien que l’encadrement du crédit immobilier (ayant existé auparavant, puis délaissé dans les années 80) ressurgisse, dans un contexte économique et de taux toujours aussi unique et particulier… Petit tour d’horizon.
Les propositions du HCSF
En effet, le HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière), l’autorité macro-prudentielle Française, chargée d’exercer la surveillance du système financier dans son ensemble, notamment dans le but d’en préserver la stabilité, s’est prononcé, au travers notamment de son dernier rapport, sur une série de propositions, de mesures, dont l’objectif affiché serait de venir réduire l’accès au crédit immobilier. A cet effet, le HCSF préconiserait la mise en place de règles (plus) strictes, davantage « gravées dans le marbre » ; des règles qui seraient donc imposées aux établissements bancaires et financiers de crédits. Ces règles auraient ainsi pour objectif affiché, de réduire les volumes de crédits distribués, pour limiter les encours d’endettements auprès notamment des ménages / acteurs privés, pour mieux préserver, dit-on, le « modèle français de financement de l’habitat ».
Dans un contexte de marché immobilier dynamique, justement tenu et soutenu par une période de taux bas et d’emprunts « pas chers », les records ne cessent d’être battus depuis 2017. Les volumes de financements ont atteint des sommets, et 2019 fut une année exceptionnelle dans ce domaine. Face à cette euphorie autour du crédit immobilier à laquelle nous assistons depuis des mois maintenant, nos « chères » instances voudraient ainsi fermer le « robinet » du crédit. Une situation paradoxale et hypocrite, selon nous, alors même que les banques centrales continuent d’injecter des milliards de liquidités dans le système pour justement alimenter la croissance (j’emprunte un raccourci mais la ligne est là)… Une croissance dont le carburant depuis très longtemps, s’appelle « crédit », réalisé auprès des divers acteurs économiques, dont les ménages (comme vous et moi).
Si bien entendu les taux bas trouvent leur origine dans de multiples facteurs, la volonté du HCSF n’est pas tant à mon avis de vouloir casser la spirale de la baisse des taux, que de chercher plutôt à restaurer plus vite et directement la profitabilité des banques. En effet, il n’a échappé à personne ces derniers mois, ce bruit régulier (incessant) autour de la (terrible) baisse de rentabilité de nos banques, voire du danger qui pèse sur leur solvabilité. Je reste circonspect de cette crise affichée, tant certaines banques ont à l’inverse, annoncé des profits bien au-delà de leurs attentes… et non pas grâce aux activités des banques d’investissement (ou des activités de marché), mais bel et bien grâce aux activités de la banque de détails ! Certes, les marges relatives au crédit ont diminué, mais les volumes ont augmenté… et les autres activités annexes (ADI, IARD…) représentent depuis un temps, une part grandissante dans leurs résultats actuels.
Si je peux comprendre la volonté de peut-être augmenter la qualité dans la distribution du crédit (et encore, à voir si débat il y aurait à ce sujet aujourd’hui), pour « une couverture appropriée des coûts et risques » ; ou si je peux entendre l’idée de revenir à des standards plus « cohérents » (NB : chez FG Stratégies, nous avons constaté que l’écart de prix/cout du crédit, était devenu parfois très faible et moins justifié entre un « excellent profil » et un profil à la situation bien plus modeste, au risque différent), à l’inverse, instaurer des règles très (trop) limitantes me semble parfaitement inapproprié. Nous verrons pourquoi juste après.
Néanmoins, la protection du consommateur et du système me semble être un bel écran de fumée, un beau prétexte pour venir rehausser par la contrainte, le cout d’un emprunt immobilier, et par la même, venir « restaurer » les marges des banques. Ce scénario d’encadrement, est d’ailleurs étudié et soutenu en ce moment même par Bercy, et par notre ministre de l’économie.
Des critères drastiques et des conséquences globalement peu positives
Voici donc, ci-après, les diverses propositions avancées par le HCSF (et par Bercy pour certaines) :
- Un taux d’effort à l’octroi maximal de 33% du revenu net de l’emprunteur.
Ainsi le taux d’effort / endettement pourrait ne plus dépasser les 33 %. Si ce niveau est classiquement fixé à un tiers des revenus, par convention et usage, ce n’est qu’un usage sans réel fondement juridique. Il s’agit plus d’un seuil de référence, par analyse risque. Le HCSF souhaiterait donc désormais, venir graver définitivement cette limite, dans les textes.
C’est surtout ce critère qui aurait l’effet d’une bombe, et pourrait sonner sérieusement le point de départ d’un retournement de marché (n’ayons pas peur des mots). A ce jour, une très large majorité des crédits octroyés, le sont sur une base d’un taux d’endettement supérieur à 33%. Certains avancent 25% ; nous avançons au moins 50% de la production !
De plus, mettre tout le monde dans un même panier n’a pas de sens, surtout quand on sait qu’un crédit reste attaché à une situation client très précise (chaque cas est unique dirons-nous) ! Les exemples seraient (trop) nombreux… Un client ayant de hauts revenus professionnels, investisseur, ne peut, par exemple, être mis au même niveau qu’un jeune actif, aux revenus modestes, achetant sa résidence principale pour la première fois… !
Également, nous savons par expérience que les projets qui dépassent le plus souvent le seuil des 33%, sont (aussi) le fait d’investisseurs, en immobilier locatif, ou de projets de couples à plus hauts revenus, sans enfants, achetant leur résidence principale, par exemple sur des marchés immobiliers chers. Ce ne sont là que de rapides cas théoriques, les situations étant toujours plus complexes et particulières.
- Une durée de crédit qui n’excède pas 25 ans.
Il s’agit ici d’un des rares critères, pour lequel nous serions favorables chez FG Stratégies. D’ailleurs, nous ne conseillons pas de dépasser cette durée, quand bien même cela serait possible. Nous estimons qu’au-delà de 25 ans, il n’est pas intéressant d’emprunter (quel que soit le projet, ou le cas de figure), et ce pour plusieurs raisons (non détaillées ici ; nous consulter pour cela).
- Un ratio / volume de réalisation précis, dérogatoire, pour les projets à l’endettement supérieur.
Jusqu’à 15% de la production pourrait s’écarter du strict respect des normes d’endettement « classiques », dont les trois-quarts seraient réservés exclusivement aux primo-accédants et aux acquéreurs de leur résidence principale (dans leur ensemble), dans la limite d’un endettement inférieur à sept années de revenus.
Ce point s’inscrit dans la continuité du point relatif au taux d’endettement de 33% ! Car dans un marché dans lequel les prix de l’immobilier sont assez corrélés aux conditions d’emprunt (et par suite, à la capacité d’endettement des acheteurs/investisseurs), ce durcissement des conditions d’octroi aurait pour conséquence d’écarter bon nombre de ménages de l’achat immobilier, tant en résidence principal, qu’en investissement locatif !
- Augmenter le montant des pénalités/indemnités de remboursement anticipé (IRA).
Sur ce point, notre avis est partagé, notamment parce que le volume de dossiers concerné par les refinancements a bien diminué, la « grande vague » étant à notre avis passée depuis un moment maintenant. De plus, dans un cas où le refinancement (par le rachat, et non par la renégociation) s’avère vraiment pertinent, et dans le cadre d’un conseil clair et chiffré pour le client (comme chez nous), venir augmenter les I.R.A n’aura qu’un faible impact, insuffisant à notre avis, pour décourager les rachats de crédit immobilier, qui pèsent, nous en convenons, sur la rentabilité des banques (mais qui pèsent à l’inverse sur le pouvoir d’achat !). Pour rappel, les indemnités de remboursement anticipées sont définies notamment à l’article R.312-2 du Code de la Consommation ; elles s’établissent à 3% du montant remboursé, plafonnées à 6 mois d’intérêt (cad. à la moitié du taux de crédit immobilier nominal annuel). Il s’agirait ici, dans la proposition formulée, d’augmenter ce plafond de 6 mois d’intérêts.
- Augmenter les taux d’usures et/ou modifier la formule de calcul du T.A.E.G.
Cette proposition, peut à l’inverse, être intéressante, pour certaines catégories d’emprunteurs. Si l’annonce ne va pas dans ce sens, mais plutôt dans le sens de pouvoir venir augmenter les taux nominaux des crédits immobiliers (pour augmenter les marges/ le PNB bancaire), il pourrait être intéressant d’avoir des T.A.E.G plus élevés, pour permettre par exemple à des seniors, d’emprunter plus facilement ; ou encore à des S.C.I d’emprunter plus facilement aussi, en fonction des cas ; ou encore de moins pénaliser les ménages pouvant rencontrer des surprimes d’assurance de prêt importantes, du fait d’un état de santé moins favorable.
Autrement, l’idée réside plutôt dans la modification de la formule de calcul, cad. de venir retirer tout simplement le coût de l’assurance emprunteur du calcul du T.A.E.G ; les banques pourraient certes augmenter leurs marges (augmentation du taux), mais certains clients auraient alors le plaisir de ne plus rencontrer de problème de taux d’usure, du fait des assurances de prêt, et donc de se voir écarter la mésaventure d’un refus de prêt, pour ce seul motif technique (règlementaire)… très mal calibré (et alors même que tout le reste est ok!).
- Créer un taux de crédit immobilier plancher, un taux en deçà duquel les banques ne pourraient pas descendre.
A cela, nous y voyons une nouvelle aberration économique, car le risque de crédit pour une banque n’est pas le même à 5 ans, qu’à 10 ans, 15 ans, 25 ans… etc. Pourquoi dans ce cas, faire payer un cout du risque (et un cout du temps) identique à un même profil client, sur 5 ans par exemple, et sur 10 ans ? Nous y voyons donc un simple tour de “passe-passe”, pour le sacro-saint « PNB bancaire » ; rien de plus.
En conclusion
Néanmoins, au travers de ces propositions, serions-nous donc en train de connaître les derniers temps de conditions de taux de crédit immobilier, excessivement basses et attractives ?
Quid de toute une filière de professionnels, concernée par un tel revirement et encadrement ? En effet, réduire l’accès au crédit immobilier, c’est réduire les ventes immobilières, et donc venir pénaliser toute la filière immobilière, c’est-à-dire de nombreux professionnels, salariés ou chefs d’entreprise, qui néanmoins, contribuent par leurs actions à la croissance économique du pays … mais surtout, à l’aboutissement de projets de vie pour de très nombreux clients !
Affaire à suivre… !