Avec la crise du Covid 19 et le confinement prononcé par le gouvernement, l’heure est depuis quelques jours au télétravail pour les uns, à la poursuite de l’activité in situ pour les autres (et dans des conditions parfois très dures…), ou malheureusement à l’arrêt forcé de ses fonctions pour un certain nombre.
Au-delà, et pour une grande majorité de Français, ces dernières années ont été synonymes d’accession à la propriété, d’investissement, ou encore d’économies importantes sur leurs crédits immobiliers, du fait d’un marché dynamique, porté par des conditions d’emprunt attractives.
Pour autant, en ces temps troublés, est-il possible en fonction de ses besoins, ou de sa situation, d’adapter son prêt ou son budget immobilier ?
Voici quelques éléments de réponses.
Les options de modulation ou clause de modularité
La plupart des banques et des contrats de prêt, prévoit contractuellement des options de modulations des échéances du crédit. S’il est, en général, plus souvent prévu de pouvoir moduler la mensualité à la hausse (dans la limite de 10 à 30% la plupart du temps), ce qui s’avère peu utile en cas de « trou d’air » dans ses finances, certaines banques, plus limitées sur la place, peuvent prévoir contractuellement la baisse de votre mensualité, mais dans la limite d’un allongement de la durée du prêt de 2 ans maximum.
Néanmoins, si vous souhaitez utiliser ces options, pour adapter votre budget, vous devrez respecter un préavis prévu dans le contrat. A ce titre, les modifications interviennent en général à la date d’anniversaire du prêt, en ayant déjà réalisé au minimum 12 à 24 mois de remboursement.
Quoi qu’il en soit, et avant de faire jouer cette clause, il faudra vraiment se poser la question de savoir si « le jeu en vaut la chandelle ».
Modulation ou report : fausse bonne idée ?
En effet, si parfois ces options sont gratuites (ou moyennant peu de frais), et que les clauses soient prévues ou non au contrat, la mise en place reste toujours in fine soumise à l’accord préalable du prêteur.
Bien sûr, une clause écrite facilitera le cas échéant votre demande, si celle-ci est prévue au contrat. Pour autant, même si aucune clause n’est prévue, vous pouvez toujours demander à votre banque la modulation, voire la suspension partielle ou totale du remboursement de vos mensualités.
Si ces possibilités ne s’appliquent pas en général aux prêts les plus récents, nous l’avons dit, la banque a selon nous, davantage intérêt de vous aider à faire face à vos difficultés provisoires, pour préserver vos intérêts… et les siens ! En effet, en vous aidant ponctuellement, elle limitera ainsi votre risque de défaut de remboursement (disons définitif), et préservera davantage ses marges dans le temps, en s’assurant de votre bon règlement futur.
En cas de crise, comme actuellement, nous pensons même qu’un trop grand nombre de procédures de recouvrement serait de nature à pénaliser la banque, bien plus financièrement, qu’à tenter de vous accorder ponctuellement un peu de souplesse. Les saisies coutent (temps, argent…) ; sans compter que détenir trop de biens immobiliers dans un marché pouvant présenter des symptômes de crise profonde, ne nous semble pas forcément favorable.
Parce qu’il n’est pas toujours bon de se précipiter …
Néanmoins, il appartient à chacun et chacune de définir si une modulation voire un report peut être une bonne solution ou non. Alors que le gouvernement s’est engagé à maintenir les salaires par le biais de mesures exceptionnelles, se précipiter pour moduler ou reporter ses mensualités d’un à quelques mois ne nous semble pas fondamentalement nécessaire actuellement.
En effet, ces démarches risquent aussi d’encombrer les services des banques, déjà au ralenti. Dans le contexte actuel, les banques sont réquisitionnées pour de préférence donner suite aux mesures annoncées de soutien aux entreprises en difficultés. Et si les entreprises sont mieux soutenues, alors les emplois pourront être davantage préservés, du moins à court terme.
Quoi qu’il en soit, si vos revenus sont à peu près maintenus, et d’autant plus si vous disposez d’une épargne de précaution (ce que nous conseillons le plus possible chez FG Stratégies), inutile de ralentir la machine du crédit ; une machine du crédit, qui doit pouvoir tourner pour les entreprises… et même pour certains ménages ( ! ), en attente de pouvoir vendre pour acheter (et donc déménager), ou plus basiquement pour avoir la chance de devenir eux aussi propriétaires… !
Enfin, nous dirions que tout prêt qui suit son cours normalement, c’est tout autant de capital amorti plus vite et de valeur créée pour vous à terme. Et même si en cette période de taux bas, il est encore moins pénalisant d’utiliser les options de modulation – car le coût du crédit sera moins impacté qu’avec des taux plus élevés -, il est important de bien peser le pour et le contre de leurs utilisations.
Et si j’ai de l’épargne disponible, que faire ?
Autre question en ces temps compliqués : si j’ai de l’épargne, dois-je la conserver ? ou dois-je plutôt l’utiliser pour rembourser par anticipation, partiellement ou totalement, mon prêt immobilier ?
Là encore, il sera utile de bien poser les choses et de ne pas agir précipitamment, ou sous le coup de l’émotion, ou de l’inquiétude généralisée !
Notre position chez FG Stratégies reste la suivante : tant que vous êtes en capacité de payer vos charges sur des revenus perçus, continuez ! Cela vous permettra, en cas de crise prolongée ou de situation plus complexe à l’avenir, de vous offrir du temps et d’arbitrer plus sereinement.
A l’inverse, si vous injectez la totalité de votre épargne pour ne plus avoir de mensualité de prêt au quotidien, certes vos charges seront annulées/diminuées, mais si vous ne percevez plus de revenus… qui vous financera au quotidien ? Il faudra donc compter sur vous en premier lieu et votre salut passera par votre épargne. Vous pourrez vous autofinancer, plus ou moins longtemps en fonction de vos réserves.
Néanmoins, ceux ou celles disposant de liquidités importantes, et souhaitant tout de même déjà réaliser un tel arbitrage épargne/crédit (qui à mon sens doit attendre, pour voir la situation évoluer davantage), pourront demander un remboursement par exemple “anticipé partiel”.
Dans un tel cas, l’emprunteur pourra ajuster soit sa mensualité d’emprunt à la baisse (et conserver sa durée résiduelle), soit maintenir la même mensualité qu’avant le remboursement (mais obtenir une diminution de la durée d’emprunt restante).
En revanche, tout remboursement anticipé peut se voir appliquer une indemnité de remboursement anticipé (« I.R.A »). Pour rappel, l’article R.312-2 du Code de la consommation contient une disposition limitant le montant pouvant être exigé au titre de l’indemnité de remboursement anticipé. Ce texte dispose que : « L’indemnité éventuellement due par l’emprunteur, prévue à l’article L.312-21 en cas de remboursement par anticipation, ne peut excéder la valeur d’un semestre d’intérêt sur le capital remboursé au taux moyen du prêt, sans pouvoir dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement[…] ».
Et dans notre contexte particulier de crise « Covid-19 », y-a-t-il des règles spécifiques ou des exceptions ?
S’agissant des I.R.A, l’article 97 de la loi n°99-532 du 25 juin 1999 relative à la sécurité financière publiée au JORF du 29 juin 1999 exclus dans certains cas la possibilité pour l’établissement bancaire de solliciter de l’emprunteur une indemnité de remboursement anticipé.
L’article L.312-21 du Code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les contrats conclus à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi no 99-532 du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière, aucune indemnité n’est due par l’emprunteur en cas de remboursement par anticipation, lorsque le remboursement est motivé par la vente du bien immobilier faisant suite à un changement du lieu d’activité professionnelle de l’emprunteur ou de son conjoint, par le décès, ou par la cessation forcée de l’activité professionnelle de ces derniers. ».
Nous pourrions très bien admettre que la situation de crise que nous vivons, cas de force majeure, amène à devoir pour certains rencontrer une cessation forcée de leur activité, même temporaire. Ce qui pour nous, pourrait déjà en tant que tel, justifier d’une exonération de ces I.R.A. Au-delà, nul doute que les banques sauront être clémentes et compréhensives d’elles-mêmes, en ces temps délicats, pour accorder commercialement une telle exonération, quelle que soit la réglementation éventuelle, et pour les emprunteurs le demandant avec raison.
Les mesures d’urgence pour les professionnels et les particuliers (au 16/03/2020)
Au-delà, face à l’épidémie de Coronavirus COVID-19, le Gouvernement a prévu plusieurs mesures fiscales et sociales.
A titre d’exemples, les particuliers peuvent demander la modulation à la baisse des acomptes de prélèvement à la source s’ils subissent une baisse de leurs revenus fonciers (en cas de non-paiement de leurs locataires professionnels) ou l’ajustement de leur taux de prélèvement à la source en cas de baisse importante de leurs revenus du fait de période de chômage partiel ou d’arrêt de travail.
Les indépendants ou chefs d’entreprise peuvent dès à présent moduler ou reporter eux aussi leurs acomptes de prélèvement à la source ou le paiement des cotisations URSSAF, de même que les gérants majoritaires pourront demander la modulation à la baisse des acomptes de prélèvement à la source si leur rémunération de gérant diminue.
Ces mesures feront l’objet d’un prochain article plus détaillé sur notre blog.
Pour autant, à l’heure d’aujourd’hui, rien ne concerne expressément et de manière spécifique, les prêts immobiliers privés, des clients particuliers. Et si certaines rumeurs laissent à penser que certaines banques auraient pris les devants, la Fédération Bancaire Française, ne confirme pas forcément l’existence de ces positions.
Pour autant, la situation actuelle pourrait amener à des éventuelles modifications sur le marché du crédit immobilier.
Un « krach » financier qui pourrait profiter aux emprunteurs ?
En effet, face à la baisse des marchés financiers, différents plans de relance pour soutenir les marchés et à terme l’économie, sont déjà envisagés. Les diverses banques centrales, comme la BCE, ont déjà envoyé des signaux indiquant qu’elles souhaitent donner les moyens aux marchés de distribuer de l’argent « pas cher » (ou encore moins cher ?) et à des taux intéressants (ou toujours plus intéressants ?), pour « relancer » l’économie. Cette situation pourrait donc être intéressante pour les emprunteurs… pour ceux toujours en capacité d’emprunter !
Pour autant, la situation pourrait devenir suffisamment tendue pour que les banques commerciales soient plus sévères, si la qualité des situations des ménages se détériore. Par ailleurs, certains analystes pensent que la politique des BC, et notamment de la BCE, n’aura qu’un impact très limité sur le marché dans sa globalité.
Et si nous apprenons plus récemment que certaines associations représentatives du courtage en financement et de ses acteurs, ont tenté des actions pour inciter les instances à revenir sur les recommandations restrictives et limitantes de fin 2019/début 2020 du H.C.S.F (cf. notre article “Le crédit immobilier en 2020 : retour d’un encadrement du crédit, strict et contreproductif ?“), il faudra néanmoins patienter encore pour voir quels seront les divers impacts de la crise sur le crédit immobilier, et ses modalités d’octroi ou de révision.
Enfin, et pour ceux ou celles ayant un peu plus de temps et l’optimisme de voir au-delà de la situation actuelle, il peut toujours être intéressant d’envisager l’étude d’un refinancement de votre prêt en cours, pour tenter d’aller chercher des économies globales et une éventuelle baisse de charges !
Nous restons bien sur à votre écoute, pour toutes questions ou études (en télétravail, par mail, SMS, tél., et Visio), et pour continuer de vous conseiller et de vous accompagner au mieux, malgré ce confinement général ! Prenez soin de vous.